Kebzabo : la sauce trop salée
La dernière session de l’Assembles Nationale où les députés ont adopté a l’unanimité deux résolutions portant respectivement sur « l’édification d’une Stèle Mémorielle à Bohoma en mémoire des soldats tchadiens qui sont tombés le 23 mars 2020 » et « l’Élévation du Chef de l’État à la Dignité de Maréchal pour ses bravoures et ses hauts faits d’arme tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays » n’a laissé personne indifférent. Elle a été pleine de rebondissements, d’évènements les plus rocambolesques les uns les autres, sur le plan politique s’entend.
Elle a surtout été une session exceptionnelle, mais aussi de nombreuses révélations sans oublier les délations. En somme, comme dans un feuilleton de télévision. Sauf, qu’ici, c’est la vie réelle. C’est le destin du Tchad qui est en jeu.
Et la dernière séquence retenue concerne la sortie de M. Saleh Kebzabo après avoir pris part lundi à la Présidence, à une cérémonie de restitution au chef de l’État des deux résolutions adoptées vendredi à l’Assemblée nationale, qui continue de susciter des réactions dans le landerneau socio politique tchadien.
Ecrire comme vient de le faire M. Kebzabo, que «je n’y aurais évidemment pas pris part si j’en avais été au préalable informé ou si je l’avais soupçonné », c’est à la fois une profanation de la vérité et une inacceptable falsification de ce qui se passe devant tous les tchadiens.
Comment Saleh peut-il nous faire avaler son navet de mauvais goût, alors que la photo de famille à la fin de l’audience prouve tout le contraire ? Il était juste derrière le Maréchal Idriss Deby Itno. Quand on refuse, on dit NON ! Le MPS a vite su mettre à profit politique la controverse de cette situation nébuleuse en raillant stratégiquement les déclarations de M. Kebzabo Pendant cette menue crise vite passée comme un bref souffle sahélien, il est demeuré invisible, se taisant et se terrant jusqu’à susciter même toutes sortes d’interprétations.
Pour une partie des tchadiens, il aurait commis une erreur. Pour d’autres, il mène un combat de survie politique. Mais son objectif est atteint. Futé et astucieux, longtemps oublié, il a réussi à concentrer et à centraliser tous les regards sur lui en s’imposant finalement comme le principal opposant au régime MPS. Il faut aussi reconnaitre que le Président de l’UNDR a l’art de transformer les déboires, les vapeurs chaudes et les revers en opportunités d’envol politique. Son exclusion comme Chef de file de l’opposition, orchestrée dans les officines visibles et invisibles n’a ainsi point ébranlé son parti. Il a provoqué le pouvoir et l’a forcé à se focaliser sur sa personne. Politiquement, il met les Transformateurs en apnée, fait oublier Masra, efface les autres et fait l’actualité. Le pouvoir MPS rétorque par la voix de personnes peu futées dans la réplique politique et promptes à la riposte rudimentaire.
Toujours est-il qu’il serait bien naïf de croire, c’est de manière totalement fortuite que M. Kebzabo s’est fait remarquer par ces sorties franchement inopportunes à seulement quelques jours d’intervalle.
Dopé par la starisation médiatique autour de cette question de Maréchalat pour laquelle l’émotionnel l’emporte sur le rationnel, suite au pilonnage médiatique accompagnant son offensive, l’honorable Kebzabo a enjambé son périmètre de savoir, pour se prendre autre : «se mettre à la fenêtre pour se regarder passer dans la rue », au savoir et à la parole infaillibles !
Au demeurant, les révélations de M. Kebzabo, mettent mal à l'aise tous les hommes politiques qui perdent encore en crédibilité, et posent le problème de la formation et du choix des personnes appelées à servir l'État sans tricher. Si chaque homme politique tchadien se mettait à se rendre à toutes les invitations au palais sans connaitre à l’avance l’ordre du jour, que serait ce Tchad que nous chérissons en dépit de tout.
Quelle mouche a donc piqué M. Kebzabo pour qu’il se laisse aller à cette confidence aussi grave que renversante ? A supposer même que ce soit vrai, pourquoi diantre revenir sur ces faits qui ne profitent qu’au pouvoir en place ?
On est en plein dans le comble de l’ignominie en politique. Et la dernière session de l’Assemblée Nationale a pris des airs de basse-cour politique. Comme des coqs déréglés, des troubadours modernes, le Président de l’Assemblée Nationale et ses invités tentent de s’imposer par le bruit grinçant des mots, des chants de louange, des appels, des cris etc. N’en jetez plus, la basse-cour est pleine et montre le vrai visage de la majorité et de l’opposition parlementaire. On pédale dans la choucroute de la confusion et de la manipulation.
Si l’opposition parlementaire est d’un niveau tellement faible qu’elle ne peut même plus réagir correctement aux hérésies nées dans les rangs de la majorité, et qu’elle se laisse trainer dans les réunions et sessions sans ordre du jour, on ne voit pas comment un changement de politique positif pourrait émerger de la fin du décidément désastreux règne du MPS… La sauce est trop salée pour le peuple tchadien.